dimanche 9 mai 2021

Hommage à une grande force tranquille

Maman,

Il m'est difficile de trouver les mots, ce matin. Pourtant, ils sont plusieurs à se bousculer dans ma tête à tenter de se frayer un chemin dans ce flot d'émotions, d'expériences et de vie à tes côtés. J'ai l'impression qu'aucun d'eux n'est assez grand, assez puissant pour arriver à exprimer ce que je ressens vraiment.

C'est la deuxième fête des mères que nous devons fêter séparées. Pourtant, je ne me suis jamais sentie aussi près de toi que maintenant. Vois-tu, ce lien qui nous unit est définitivement plus solide que jamais. Il se définit par toutes les valeurs que tu as si bien su nous inculquer, du respect à la responsabilité sociale, en passant par la résilience, le pardon et tant d'amour ! 

Ce lien entre nous est unique et sans failles. Comme je suis choyée d'avoir une maman aussi exceptionnelle, aimante et sans jugement ! J'ai toujours senti que tu marchais à mes côtés, présente physiquement ou pas. Mes choix n'ont certainement pas toujours été ceux que tu aurais faits. Ils ont dû te faire mal, par moments, te faire craindre le pire, mais pourtant, tu me soutenais toujours à travers eux.  Je me souviendrai toujours du jour que je t'ai annoncé mon départ pour Hong Kong avec le garçon que je venais tout juste de rencontrer. Moi, qui n'avais jamais pris l'avion, qui venait à peine de terminer ses études universitaires et qui faisais encore son lavage chez vous ! Je ne peux que m'imaginer les émotions que tu as dû ressentir à ce moment-là !  J'ai le ventre qui se tord juste à y penser.  

Ce jour-là, tu m'as laissée déployer mes ailes et pour la première fois, je me suis sentie devenir une vraie femme. J'avais 27 ans. Bien sûr, à cet âge-là tu n'aurais pu me retenir mais cette marque de confiance et ce lâcher-prise dont tu as fait preuve m'ont permis, à mon tour, de vivre pleinement cette expérience et de dessiner le croquis de ce qu'allait devenir la suite, avec toutes les incertitudes et les inquiétudes mais aussi, avec toute cette fougue et cette soif d'aventures, cette envie de vivre différemment, de découvrir qui j'étais, en souhaitant un jour devenir la mère aimante et sécurisante que j'ai eu la chance d'avoir. 

Des exemples comme celui-là, j'aurais besoin de quelques années pour en faire la liste. Ce moment est certainement un des plus marquants de ma vie. De la tienne, aussi, j'imagine, en tant que maman de ta fille cadette. Je te remercie pour ce moment précis, mais aussi pour tous les autres qui ont fait de moi qui je suis, et qui m'ont permis de devenir la maman que je suis aujourd'hui. Maman, tu es d'une force tranquille exemplaire. J'aurais aimé hériter de ta patience, mais bon, on ne peut pas tout avoir ! 

Je t'ai fait une promesse ce matin. Je t'ai dit que cette année allait être la dernière fête des mères fêtée séparées. Tous les efforts et les compromis que l'on fait présentement font en sorte que bientôt, cette pandémie sera derrière nous et qu'enfin, on pourra se serrer dans nos bras. Je te promets que ce calin sera certainement le plus intense et le plus long jamais vécu auparavant et que ce lien qui nous unit, sera encore plus fort, plus beau et plus doux. Bonne fête des mères, ma belle maman d'amour. Je t'aime !


Hélène xx

mardi 26 janvier 2021

Lettre à la fille de 40 ans que j'ai été

 Salut Hélène,

Je t'annonce que tu ne fêteras pas ton anniversaire à New York...puisque la simple pensée de te retrouver dans cette ville hyperactive te donne le vertige.  Il semblerait que tu n'es pas retournée au travail en septembre. C'est que l'été dernier a fait comprendre à ton corps qu'il en avait assez...à ta tête, aussi. 

Tu t'es toujours sentie au-dessus de tout.  La Super Woman qui a toujours été capable d'en prendre.  Celle qui travaillait en relation d'aide et qui, sans le savoir, était un cordonnier bien mal chaussé !  Un dégât d'eau le 24 juin aura été la goutte de trop. Le vase était déjà plein... L'année scolaire venait à peine de terminer et tu l'avais trouvée éprouvante, celle-là...tant physiquement que psychologiquement.  Les pieds dans l'eau, vous n'avez eu d'autre choix que vous retrousser les manches et vous mettre au travail. Monter les meubles en haut, tenter de limiter les dégâts le plus possible. Après tout, vous aviez un voyage familial à Walt Disney de planifié, début juillet ! 

Après avoir entreposé une bonne partie des meubles et fait séché le tout, vous êtes partis pour Disney vivre votre voyage de rêve.  Dix jours de pur bonheur, à se lever tôt et se coucher tard afin de ne pas en manquer une seconde, à vous fabriquer des souvenirs tout en savourant le moment présent et en tissant lentement votre cocon familial. 

Cet été, tu t'es retroussée les manches tout en baissant doucement les bras, bien que tu refusais de t'en rendre compte.  Tu étais en vacances mais pourtant, tu sentais tout le poids du monde peser sur tes épaules. Tes rires se faisaient de plus en plus rares, laissant place à l'irritabilité, à ce besoin de te retirer de plus en plus sans pour autant savoir où aller...

La nuit, tu avais peine à dormir, inquiète des nombreux messages que ton corps te lançait..ces messages qui au début étaient plutôt subtils, étaient devenus flagrants, impossible de ne pas écouter.  Parfois, ton corps se mettait à trembler, quelques secondes, quelques minutes.  Souvent, des spasmes faisaient perdre le contrôle à ton bras, ta jambe... Tu avais l'impression que tes nerfs étaient en train de lâcher.  Un après-midi, tu es sortie sur la galerie avec la forte impression que tu étais sur le bord de faire un infarctus. Ta poitrine se contractait, tu étouffais. Peut-être était-ce une crise de panique... comme la fois dans la salle de bain de tes parents, 13 ans plus tôt, en préparant tes bagages pour retourner à Hong Kong. 

Un soir, un ami vous rendait visite et jasait avec ton mari au sous-sol. Tu pliais des vêtements dans le salon et les enfants se chamaillaient en haut, te réclamaient, ne voulaient pas dormir. Tu étais épuisée, vidée...tu as craqué.  Tu avais l'impression que tu allais provoquer un autre dégât d'eau tellement tes pleurs étaient devenus incontrôlables ! Ton ami a ressenti ton désarroi et à bout de souffle tu lui a lancé la phrase: '' Je n'en peux plus...''  Enfin...tu arrivais à le dire. Tu mettais des mots sur tes maux.

L'année de tes 40 ans ne sera pas celle que tu avais imaginée.  Elle laissera des traces, des empreintes profondes qui resteront gravées à jamais dans ton adn et qui guideront chacun de tes pas pour les prochaines années à venir. Cette année-là, aussi souffrante qu'elle a pu être, t'apportera aussi les plus belles leçons de vie.  Elle t'apprendra la résilience, tu en ressortiras plus forte, plus sereine, plus déterminée que jamais à vire la vie comme tu l'aimes, une vie qui te ressemble et dont tu seras dorénavant le personnage principal.  La dépression ne te définira pas.  Elle te conscientisera. 

Dans tes bagages, tu apprendras à en diminuer la charge, à en diversifier son contenu afin de faire face aux nombreux imprévus qui se présenteront sur ta route. Tu y ajouteras du beau, du bon, du doux. Tu y mettras de la couleur...beaucoup de couleur; tu privilégieras les vêtements transformables au gré de tes envies, de la température, du confort et de ta créativité du moment. Tu feras de même avec ta vie, que tu transformeras au gré de tes envies, de ta météo intérieure, du confort dont tu auras besoin et de ta créativité, celle qui deviendra de plus en plus importante dans ton cheminement.  

Cette année-là, tu choisiras le chemin de la liberté.  Celui qui te mènera hors des sentiers battus, qui te permettra de sortir de ta zone de confort, à maintes occasions. Tu opteras pour la route qui sera sinueuse. Celle qui t'offrira les plus belles aventures. Après tout, les lignes droites, ça n'a jamais été toi. Tu as toujours préféré l'abstrait au concret, les courbes au linéaire...

New York ne bougera pas. Il t'attendra quelques années. Le temps que tu sois prête, que tu aies envie de le découvrir dans toute sa splendeur, par toute ta splendeur. 

xx